vendredi 27 avril 2007

Rostropovitch, génie du violoncelle et anti-communiste convaincu, est mort

Mstislav , violoncelliste hors pair et grande figure de la lutte contre l'oppression soviétique, est mort vendredi à Moscou à 80 ans, le Kremlin déplorant "une perte énorme" pour la Russie.


MOSCOU (AFP)
- 27 avril 2007 | 16H19


"Mstislav Rostropovitch est décédé aujourd'hui à l'hôpital", a indiqué Natalia Dollejal, l'assistante du musicien."C'est une perte énorme pour la culture russe", a déclaré le président Vladimir Poutine, commentant à la fois la mort du violoncelliste et chef d'orchestre et celle, survenue le même jour, d'un célèbre acteur russe, Kirill Lavrov.

"C'est un homme de légende dont la personnalité a fait le lien entre des générations de grands compositeurs comme Sergueï Prokofiev, Dmitri Chostakovitch et la nôtre", a déclaré Mikhaïl Pletnev, chef de l'Orchestre national russe, cité par l'agence Ria Novosti.

Les députés russes ont observé une minute de silence pour rendre hommage au grand musicien.

Rostropovitch sera enterré dimanche au cimetière Novodevitchi dans le sud-ouest de Moscou, où repose Boris Eltsine décédé lundi.

L'office funèbre aura lieu à la Cathédrale du Christ Sauveur, comme pour le premier président russe, selon l'entourage du musicien cité par les agences russes.

Il y reposera aux côtés des compositeurs Chostakovitch et Prokofiev qu'il avait connu personnellement, des écrivains Anton Tchekhov, Nikolaï Gogol et Mikhaïl Boulgakov et du chanteur d'opéra Fedor Chaliapine.

Rostropovitch, malade depuis plusieurs mois, avait effectué ces derniers temps plusieurs séjours à l'hôpital. Selon la presse russe, il avait été opéré d'une tumeur au foie.

Le musicien, pâle et fatigué, avait fait sa dernière apparition publique le 27 mars pour son 80e anniversaire, fêté en grande pompe au Kremlin avec Vladimir Poutine.

Né le 27 mars 1927 à Bakou (Azerbaïdjan), ce musicien considéré comme le plus grand violoncelliste de la seconde moitié du XXe siècle a défié en homme libre le pouvoir soviétique.

"C'est étonnant comment un tel caractère ait pu se former à l'époque soviétique", a déclaré Lioudmila Alexeïeva, ex-dissidente et présidente du groupe Helsinki à Moscou.

Ayant quitté l'URSS et "étant riche et libre il a tout fait pour la gloire de l'art russe. Il a toujours été pour la liberté et la démocratie", a-t-elle ajouté.

Rostropovitch et son épouse, la cantatrice Galina Vichnevskaïa, sont tombés en disgrâce en accueillant en 1970 dans leur maison de campagne l'écrivain dissident Alexandre Soljenitsyne.

Le musicien a même écrit une lettre pour le défendre au quotidien communiste Pravda qui n'a jamais été publiée mais qui lui a coûté sa carrière en URSS.

Victime de représailles, il a émigré à l'Ouest en 1974.

En 1978, il a été déchu de la nationalité soviétique pour ses activités de défense des droits de l'Homme. Il avait refusé depuis toute citoyenneté.

Rostropovitch a réglé ses comptes avec le communisme en jouant Bach en novembre 1989 au pied du Mur de Berlin, en train de s'écrouler, un geste qui lui a permis, selon ses dires, de "réconcilier les deux parties" de son coeur.

Réhabilité en 1990 par un décret de Mikhaïl Gorbatchev, Rostropovitch est revenu en Russie. D'abord en tournée avec l'orchestre symphonique de Washington, qu'il dirigeait à l'époque, puis pour défendre la jeune démocratie russe et soutenir Boris Eltsine en 1991 contre les putschistes.

Sa photo avec un fusil à la place de son violoncelle devant la Maison Blanche (ancien bâtiment du Parlement à Moscou) a fait le tour du monde.

Rostropovitch et Vichnevskaïa comptent parmi leurs amis têtes couronnées et dirigeants occidentaux. En Russie, beaucoup leur reprochent d'avoir fait carrière et fortune hors de l'Union soviétique.

Les relations de Rostropovitch avec le monde de la musique russe ont été orageuses ces dernières années: il menaçait de ne plus jamais se produire en Russie, en 2005 il a rompu à la dernière minute un contrat avec le Bolchoï.

Il a cependant conduit un orchestre à Moscou en septembre 2006 pour le centenaire de son ami Chostakovitch.


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